Lycée Dumont d'Urville

Les origines

C’est entre 1953 et 1958 que furent achetés les uns après les autres par l’Education Nationale les terrains sur lesquels allait être construit le lycée Dumont d’Urville. Se trouvaient sur ces terrains la gare du petit train qui reliait Toulon à Hyères, propriété de la Compagnie des Chemins de Fer de Provence, quelques espaces appartenant à l’armée, ou à la commune de Toulon qui y avait situé des abattoirs qui venaient d’être désaffectés, ainsi que quelques maisons individuelles. Un petit immeuble, l’immeuble « Nari », resta même debout, étrangement enclos dans l’enceinte du lycée, jusqu’en décembre 1959, date de sa démolition. On peut voir ce petit édifice sur la grande photo historique du lycée qui orne aujourd’hui encore le bureau du Proviseur, photo qui constitue à notre connaissance le seul témoignage visuel des débuts de Dumont d’Urville. Mais l’emplacement du futur lycée était également occupé en partie par les caravanes des Gitans, qui n’acceptèrent pas de gaieté de cœur leur expulsion. Une rumeur évoque même une « malédiction » qu’ils auraient jetée sur le futur lycée…

 

Les huit Proviseurs de Dumont d’Urville

On confia à Emile Nougué, Proviseur du lycée du boulevard de Strasbourg (qui deviendra par la suite le collège Peiresc), la direction de l’annexe de La Rode, avant qu’il ne soit nommé en 1958 premier Proviseur du lycée qu’il marqua fortement de son empreinte. Emile Nougué préféra le nom de « Dumont d’Urville », le grand explorateur dont l’épouse, Adèle, était toulonnaise, à celui de « Bailly de Suffren », qui avait d’abord été retenu. Il présida aux destinées de Dumont d’Urville jusqu’en 1970, avant de prendre sa retraite et d’être remplacé par un autre Proviseur qui marqua lui aussi l’établissement, Rémi Eiraudi, Proviseur à l’exceptionnelle longévité, puisqu’il fut à la tête de Dumont d’Urville pendant dix-huit ans, de 1970 à 1988. Leurs successeurs firent des séjours nettement plus courts : Messieurs Demortier (1988-1990), Royer (1990-1998), Hertz (1998-2001), Perier (2001-2003), Olive (2003-2007), et Gommé (de 2007 à aujourd’hui).

 

Les étapes de la construction

Quelques bâtiments préfabriqués constituèrent dans un premier temps ce qu’on appela «l’annexe de La Rode», qui commença à fonctionner à la rentrée des vacances de Pâques 1951. Puis furent successivement construits les petits bâtiments d’un étage proches de la conciergerie (qui n’a jamais changé de lieu depuis l’origine), le bâtiment « C » qui abrita d’abord les classes de sixième avant de recevoir les classes préparatoires, et le bâtiment « A » où fut logée une partie des classes de cinquième, le stade, le bâtiment «G» où étaient logés les internes, bâtiment de quatre étages dans le prolongement duquel se situait le réfectoire, et les autres bâtiments de quatre étages eux aussi : le bâtiment « E », qui abrita d’abord l’autre partie des classes de cinquième ainsi que les classes de première et les cours de langues vivantes, le bâtiment « F », où se situaient les salles de physique et de sciences naturelles, le bâtiment « H », qui abritait les services administratifs, et le bâtiment « I », où étaient accueillies les classes de quatrième, troisième et seconde. Longtemps ouvert aux quatre vents, le lycée ne fut embelli par des pelouses et des plantations qu’à la rentrée 1959, et il ne fut entouré de grilles qu’en 1961, année où virent également le jour les gymnases et la piscine. Ce n’est qu’à cette date que le lycée Dumont d’Urville eut son visage définitif (avant la réhabilitation dont nous allons parler, mais qui n’a guère modifié la structure d’ensemble).

 

La réhabilitation des années 1993-2000

Difficile à entretenir étant donné son étendue (il occupe plus de 9 hectares), le lycée s’était passablement dégradé au fil des ans. Quelques années après le transfert des lycées aux régions, qui en devenaient propriétaires et devaient en assurer l’entretien, un plan de réhabilitation ambitieux fut établi, précédé d’une large concertation avec les enseignants. Les travaux durèrent un peu plus d’une décennie, puisqu’ils commencèrent en 1990 pour ne s’achever qu’au début des années 2000. Ils entraînèrent une nouvelle répartition des classes dans l’établissement. Ce fut d’abord un tout nouveau self service qui fut édifié, à proximité des vieux réfectoires (1993), puis le gymnase et la piscine qui furent entièrement relookés (1995), et un tout nouvel internat qui s’éleva derrière la conciergerie (1996). Suivirent les réhabilitations de tous les bâtiments, avec en particulier des escaliers d’évacuation enserrés dans des modules semi-circulaires qui modifièrent sensiblement le visage du lycée. En 1997 le bâtiment « G » entièrement redessiné devint le bâtiment des sciences de la vie et de la terre (anciennement dénommées physique-chimie et sciences naturelles), et le bâtiment « G’ » accueillit des salles de réunion et un magnifique CDI sans comparaison avec la minuscule bibliothèque dont les lycéens avaient dû jusqu’alors se contenter. En 1998, ce fut le tour du bâtiment « F », où s’installèrent les classes de seconde, et du bâtiment « H », où l’administration fut enfin logée dans des bureaux convenables. Derniers bâtiments réhabilités en 1999-2000, le bâtiment « E », qui devint le bâtiment des classes de Première et de Terminale, et le bâtiment « I », dorénavant réservé en totalité aux classes préparatoires et aux classes de BTS, qui bénéficièrent ainsi d’un espace propre qui leur assura une grande autonomie au sein du lycée. La dernière étape fut la construction d’un internat de jeunes filles, entre la conciergerie et le bâtiment « E », aux débuts des années 2000. Mais le lycée continue à s’améliorer régulièrement (nouvelle salle des professeurs, extension prévue du CDI, etc.). Dumont d’Urville continue son évolution, une évolution qui n’a jamais cessé depuis les origines.

 

Les performances de Dumont d’Urville

Alors que les jeunes filles « de bonne famille » étaient envoyées au lycée Bonaparte, le lycée Dumont d’Urville, de par sa mixité, mais aussi du fait qu’il resta pendant quelques années dépourvu de clôture et très difficile à surveiller, eut longtemps une réputation un peu sulfureuse, qui s’évanouit lentement au fil du temps. Mais alors même qu’il n’avait pas une excellente réputation, il accumulait déjà les performances. Performance quantitative, puisqu’à son apogée, au milieu des années 1960, le lycée comptait près de 3500 élèves, ce qui faisait de lui le plus grand lycée de France (ce qu’il demeure encore sur le plan de la superficie). La construction du lycée « du Coudon », à La Garde, qui ouvrit ses portes à la rentrée 1988, fit perdre à Dumont d’Urville près d’un millier d’élèves. La population actuelle est assez stable, autour de 2400-2500 élèves. Performances qualitatives ensuite, particulièrement au niveau de ses classes préparatoires. Dès son ouverture, le lycée abrita une classe préparatoire à l’Ecole Navale (ce type de classes disparut à la fin des années 1960), une « Corniche » (classe préparatoire à Saint-Cyr) qui fonctionna jusqu’à la fin des années 1990, des classes préparatoires scientifiques qui connurent toujours d’excellents résultats (on ne compte plus les Polytechniciens et les Centraliens issus de Dumont), des classes préparatoires aux grandes écoles de commerce (longtemps baptisées « prépas HEC »), qui fournissent aux plus grandes écoles de management depuis près de cinquante ans des étudiants dont certains ont connu ensuite de très brillantes carrières, des classes préparatoires littéraires qui ont réussi l’exploit de faire intégrer à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (dont le concours d’entrée est le plus sélectif de tous les concours) plusieurs de leurs étudiants. Quant aux professeurs Capésiens et Agrégés issus des classes prépas littéraires de Dumont, ils se comptent par dizaines. Certains anciens élèves sont aujourd’hui passés de l’autre côté de la barrière et enseignent à Dumont d’Urville. Il faut signaler aussi l’excellence des classes de musique et d’art plastique, qui proposent des enseignements spécifiques peu répandus dans l’Académie.

 

L'ambiance Dumont

Je terminerai ce trop bref historique par une note plus personnelle. Ancien élève de Dumont d’Urville, où j’ai été élève de la sixième à l’Hypokhâgne, j’ai été aussi enseignant dans ce grand lycée pendant un quart de siècle. Or il se trouve qu’on m’a confié également pendant quelques années la classe préparatoire aux grandes écoles de commerce du lycée Bonaparte. J’ai pu ainsi, plusieurs années durant, comparer les deux établissements. Ce qui m’a le plus frappé tient à l’espace. Au lycée Bonaparte, établissement beaucoup plus « classique » que Dumont, les élèves vivent sans horizon, et n’ont pour se détendre entre les cours que le petit espace qui sépare les bâtiments principaux. On y sent de ce fait une certaine « tension », palpable même si elle est difficile à mesurer. Rien de tel à Dumont d’Urville. A peine sortis de classe, les élèves ont à leur disposition les 9 hectares du lycée, une vue dégagée sur le Faron, des pelouses où ils viennent bavarder. Bref Dumont ressemble davantage à un campus à l’américaine qu’à un lycée français. Jamais je n’ai perçu dans ce lycée la moindre excitation inquiétante : c’est une ambiance « zen » qui règne à Dumont. Et là encore, selon les points de vue, on interprétera cette ambiance tantôt comme un signe d’excessive décontraction, tantôt comme le symptôme d’un environnement propice aux performances intellectuelles.

Longue vie à Dumont d’Urville !

 

Philippe GRANAROLO